Recours au privé, le malaise Français - Par Eugène Daronnat

Depuis plusieurs semaines, des polémiques se multiplient sur le recours à des entreprises privées pour appuyer le gouvernement dans la lutte contre l’épidémie du COVID, et notamment la vaccination. Un révélateur du malaise que provoque le mot « privé » en France.
Les ressorts de ce malaise sont à trouver dans l’opposition factice, alimentée par une grande partie de la classe politique, entre l’intérêt général et les intérêts privés. Comme si d’un côté, l’Etat n’agissait que dans l’intérêt supérieur à travers le service public, et que de l’autre, les entreprises chassaient jour et nuit les dividendes en meute.
Ce n’est pas le sujet ici, mais on rappelle au passage que l’Etat est certainement un des plus mauvais actionnaires, également un des plus voraces, et que par ailleurs, loin du CAC40, les TPE-PME représentent 99,9% des entreprises Françaises.
A ce propos, la crise du Covid a (malheureusement) permis une avancée : avec l’arrêt brutal de l’économie, durable pour certains secteurs d’activité, une prise de conscience s’est opérée. L’économie, loin des multinationales, ce sont avant tout des hommes et des femmes, c’est votre voisin qui tient une épicerie, ce membre de votre famille qui est restaurateur…etc. Loin des clichés habituels, et dans la douleur souvent, c’est un capitalisme humain, incarné qui s’est révélé. Il a tenu le pays, à bout de bras.
Actionnaires de la maison France
Nous sommes liés les uns aux autres par un contrat social pour faire Nation. Nous sommes en quelque sorte les actionnaires de la maison France. A ce titre, nous devrions avoir un droit de regard privilégié (plus qu’une fois tous les 5 ans) sur les orientations majeures prises dans notre pays, et notamment sur la question de la pertinence de l’utilisation de l’argent public dont dépendent nos choix collectifs.
A cet égard, un des objectifs de l’Etat devrait être, sur ses domaines de compétence, de créer un maximum de valeur, non pas seulement au sens quantitatif, mais également qualitatif.
La France s’est entêtée par lâcheté et incompétence dans une voie où la puissance publique doit tout faire, dans tous les domaines, administrer, cadrer, normer, jusqu’à notre intime comme nous avons pu le constater à l’extrême avec les épisodes de confinement. Cette stratégie n’a aucun sens et nous le savons désormais, aucune forme de résultat convaincant, de valeur réelle créée, mais elle a permis aux politiques de ne prendre aucun risque pour la prochaine élection, et aux citoyens d’avoir le sentiment que tout était sous contrôle. Une hypnose généralisée.
Oui à Doctolib, non à McKinsey !
Prenons deux exemples récents qui amèneront à des conclusions radicalement différentes :
OUI, il fallait (entre autres) choisir Doctolib pour piloter les inscriptions à la campagne de vaccination. Évidemment ! D’ailleurs, l’acteur Français a revendiqué plus de 42 millions de patients ayant pris un rendez-vous en ligne en 2020… créer un acteur ex nihilo aurait été inutile, long et coûteux. Doctolib rend donc une mission de service public et les Français le comprennent !
NON, il ne fallait pas demander au cabinet McKinsey d’intervenir (coût de plusieurs millions d’€ sur les derniers mois) pour apporter des «conseils» sur la logistique de la stratégie vaccinale Française, jusque-là déficiente. Ou alors, il faut d’urgence nous exposer quel est le rôle précis des 13.575 agents employés au Ministère de la Santé, quel est le sens de cumuler une Direction Générale de la Santé, une Direction de la Santé Publique, des Agences Régionales de Santé, Santé Publique France et j’en passe, pour ne trouver aucune expertise suffisante pour organiser une campagne de vaccination ! Où est la valeur ?
L’Etat doit faire des choix. Il doit opter pour l’humilité, plutôt que la toute-puissance. Le privé n’est pas un gros mot : ce sont en France environ 20 millions de nos concitoyens qui y travaillent au quotidien ! L’opposer au public, c’est servir un discours de lutte des classes, une machine à détruire de la valeur et à broyer de la confiance.
Oublions ceux qui prétendent faire, faisons confiance à ceux qui font réellement, visons la création de valeur au service des Français, qui par ailleurs la financent. Et enfin, la France pourra aller de l’avant. Il y a urgence.
Eugène Daronnat est membre du Comité Exécutif d'Objectif France.