Tribune

Pourquoi il faut s'opposer à la nouvelle taxe sur l'e-commerce...



48 heures après avoir sonné l'alerte dans une vidéo, Rafik Smati explique les raisons pour lesquelles il faut s'opposer à la taxe de 1 euro sur toutes les commandes passées par Internet.


Dans une vidéo diffusée jeudi soir, je dénonçais l'amendement au Projet de Loi de Finances 2019, qui vise à instaurer une taxe de 1 euro sur toute commande passée par Internet. L'objectif annoncé par les parlementaires qui défendent cette taxe est de soutenir le commerce de centre ville qui traverse une crise, en leur octroyant un abattement de 10% sur leur taxe foncière.

J'affirme que cette taxe est non seulement absurde, mais aussi suicidaire. Voici les raisons qui me poussent à être aussi catégorique :

1/ Croire qu'il suffit d'inventer une nouvelle taxe pour résoudre un problème répond à une logique politique révolue, dont nous savons qu'elle a conduit le pays dans une impasse.

2/ Je soutiens l'idée d'une société de liberté, où l'État est à sa place, où les entreprises (toutes les entreprises) ont les moyens d'agir. Ceux qui pensent que l'impôt est la solution à tout se trompent de chemin. Notre pays se meurt de ces comportements étatistes suicidaires.

3/ Les revenus estimés de cette nouvelle taxe sont de 336 millions d'euros par an. Comment peut-on croire sincèrement qu'une telle somme permettra de sauver le commerce de centre ville ? Ce dont la France a besoin, c'est d'une réforme structurelle systémique, pas d'une énième taxe-rustine.

4/ Les discours du type «Nous sommes contre les taxes, mais cette fois-ci, c'est pour une bonne raison» sont les mêmes qui nous sont ressassés depuis 30 ans. C'est d'ailleurs aussi le discours tenu par le gouvernement pour défendre la taxe diesel. Quelle différence entre le «Taxer le diesel pour protéger la planète» , et le «Taxer le commerce en ligne pour protéger les petits commerces», si ce n'est que la première proposition est combattue par ceux qui défendent la seconde ?

5/ La crise que traversent les commerces de centre ville est globale, et va bien au delà du commerce en ligne. J'estime par exemple que les zones commerciales périurbaines sont les premières responsables de la crise du commerce local.

6/ Cette taxe va porter un coup très dur à l'écosystème de l'e-commerce français . Notre pays compte 182000 sites marchands, et 35% des sites de e-commerce de TPE/PME sont déficitaires (source : FEVAD). Que vont faire ces milliers de petits et moyens e-commerçants français ? Vont-ils rogner sur leurs marges, déjà très faibles ? Ou vont-il augmenter le prix de vente de 1 euro ?

7/ Si l'option choisie par le petit e-commerçant français est d'augmenter son prix de vente, alors ce commerçant perdra encore un peu plus son avantage compétitif vis-à-vis d'Amazon. Le géant américain a réalisé au 3ème trimestre 2018 un bénéfice net de 2,9 milliards de dollars ! Inutile de dire qu'il prendra à sa charge la taxe, ce que ne pourront pas faire les acteurs de petite taille. Amazon (ou Alibaba, ou d'autres) va donc renforcer son avantage compétitif. Les acteurs français de petite ou de moyenne taille perdront en compétitivité prix, et mourront peu à peu.

8/ Nous passons notre temps, à juste titre, à pestiférer contre les GAFAM (et bientôt les BATX, les géants chinois) qui colonisent jour après jour notre écosystème. Pourquoi inventer une taxe suicidaire qui aura pour effet de les renforcer ?

9/ Cette idée de taxe laisse à penser qu'une grande partie de notre classe politique ne comprend pas les entreprises, ainsi que les grands défis de notre époque. Cela est très inquiétant.

10/ Cette idée de taxe est portée par des personnalités politiques de droite, ce qui la rend d'autant plus incompréhensible. Nous savons que la reconquête passera par la lutte contre l'oppression fiscale. En défendant une telle taxe, le discours de la droite devient inaudible. Nous perdons en crédibilité.

Compte tenu de tous ces éléments, j'affirme haut et fort qu'une telle taxe pourrait rapidement se transformer en catastrophe industrielle pour l'économie numérique française, sans pour autant sauver le commerce de proximité. Il est donc VITAL de retirer cet amendement, ou que la majorité le REJETTE si les parlementaires à l'origine de cette idée saugrenue s'entêtent dans leur projet.

En toute hypothèse, Objectif France livrera bientôt des propositions concrètes qui visent à soutenir les coeurs de villes et les commerces de proximité. Sans inventer de nouvelle taxe, et sans chercher des bouc émissaires...

Rafik Smati
Président d'Objectif France et entrepreneur.