Tribune

Jean-Marie Belin : « Les péchés capitaux d’E. Macron »



Au début de la crise des Gilets Jaunes, dès le 14 novembre, Objectif France constatait que “la situation de notre pays exige des responsables politiques avant tout de la grandeur, de la cohérence et surtout de l'action“. Dans un Etat centralisé, où le pouvoir est concentré à l’excès entre les mains d’un seul homme, la confiance que le peuple peut placer dans la personne du Président de la République ne peut se satisfaire d’une telle succession d’erreurs ou de fautes. A sa façon, aigue et froide, Jean-Marie BELIN, membre du comité exécutif d’Objectif France, ancien journaliste, analyse sans indulgence les défauts d’un Président qui, au lieu de les corriger, les a accentués avec une certain cynisme, les transformant en autant de fautes impardonnables ou de “péchés“, graves au point de pouvoir être mortels. Mais une sortie de crise reste possible...


L'orgueil est le premier péché capital d'Emmanuel Macron ; il peut devenir péché mortel...

S'arc-bouter sur une réforme alors qu'il ne s'agit pas de cela, mais simplement d'une taxe, feindre de confondre les deux et ne pas chercher à comprendre, montre à quel degré de raideur intellectuelle est arrivé notre Président de la République après seulement 18 mois de pouvoir... Sa solitude, remplie de courtisans pour la plupart trop jeunes et immatures, l'a conduit à cet isolement fautif. Il ne comprend pas ce qui arrive ; il ne voit pas ce qui monte ; il ne sent pas l'inquiétude et le malaise qui grandissent, il n'entend pas la détresse des plus touchés par la crise. En fait, il ne peut pas, il ne sait pas, et c'est ce constat qui est grave...

Le premier défaut de son système tient à la falsification démocratique de sa présidence. Aimé peut-être, mais si mal élu, il croit encore avoir été désiré, choisi, voulu, alors qu'il n'a été que préféré à Marine Le Pen dans la dernière étape. Episode précédé de celui, orchestré, de l'élimination, par tous les moyens, avouables ou non, du seul candidat dangereux pour lui, plébiscité par la primaire. Elle mérite d'ailleurs qu'on s'y attarde un instant. On a beaucoup entendu cette expression à propos des manifestations des Gilets Jaunes : ce sont des gens qu'on n'avait jamais vu auparavant. La petite classe moyenne et les retraités. Cette réflexion, nous sommes nombreux à nous l'être faite au soir de la primaire : tous ces participants, en grande majorité, nul ne les avait vus jusque là. 4 400 000 votants à s'être exprimés et dont une grande majorité considère encore aujourd'hui avoir été laissée pour compte, oubliée, ignorée et en tous cas non entendue. Sans que ce soient les mêmes (et encore...), on a le même phénomène d'exaspération de ceux qui n'ont pas été entendus. Il faudra sans cesse rappeler au chef de l'Etat qu'on ne gouverne pas de façon si autoritaire et “jupitérienne“ quand on a été élu au premier tour par si peu de Français : 18,2% des inscrits, moins d'un Français sur cinq, et 24% des exprimés. C'est une tare durable.

Ce premier défaut est aggravé par l'absence d'une majorité réelle, et non virtuelle. Qui sont ces députés qu'en grande partie personne ou presque ne connaissait un mois avant leur élection ? Leurs votes ne sont que l'expression d'un suivisme placide et non d'avis ou de propositions réfléchies et étayées par le terrain puis argumentées, préparées sous la conduite d'un parti politique responsable. Il n'y a pas en réalité, hors le Sénat, de corps législatif réel. Les députés ne portent pas leurs circonscriptions, leurs départements, leurs régions, ils ne représentent ni les électeurs (pas même les leurs !) ni les forces vives de leurs territoires, ils ne portent pas à Paris la parole de leurs mandants, des pauvres, des riches, des entrepreneurs, des travailleurs, des chômeurs, des retraités. Non, ils sont “à sens unique“, leur action n'est que descendante. Le Président de la République n'a pas en fait de majorité à écouter, c'est lui seul qui dit. Et les électeurs ou les citoyens n'ont pas de députés, ils ont des VRP de Macron.

Le second défaut est celui de la méconnaissance des attentes ou des priorités des Français. Ils sont pourtant responsables, bien informés et avertis ; pour eux, le danger climatique existe, l'écologie n'est pas un gadget, l'environnement, le leur, est une préoccupation importante. Mais ce n'est pas aujourd'hui leur priorité absolue ! Le problème pour eux n'est pas d'abord celui des impôts ou des taxes surnuméraires, mais celui tout simplement de la peur du lendemain, de l'incertitude et de l'insécurité des revenus. Ce pouvoir a réussi, en associant des mots imprévus, fiscalité écologique, à générer de l'hostilité et du rejet pour la protection de l'environnement. D'une ambition sympathique, le Gouvernement a réussi à installer durablement la notion d'écologie punitive, il faut le faire ! Les Français savent qu'il faut agir, mais ils veulent hiérarchiser les priorités eux-mêmes. Leur priorité, c'est le maintien du niveau de vie ; or ils ont le sentiment, vrai ou faux, qu'il ne cesse de baisser et que leur qualité de vie suit le même chemin. Ce n'est qu'une fois ce souci légitime apaisé ou classé qu'on pourra s'occuper du reste, à savoir le réchauffement climatique. Ne pas connaitre son lendemain interdit de s'occuper du surlendemain.

Pourquoi cette méconnaissance du ressenti des Français ? Parce que le Président est un Parisien, un homme de la métropole, un urbain et un citadin. Ceux qui crient aujourd'hui leur colère le sont peu ; ce sont des habitants des territoires éloignés, des petites ou moyennes villes et de la campagne ; jamais pris en compte et jamais écoutés ! Quel étrange étonnement chez nos ministres de découvrir que parmi les interpellés de dimanche près des Champs Elysées, il y avait des “provinciaux“ ! Justement, monter à Paris, y crier, y manifester, et même y casser, n'est pas un geste innocent, il est plein de symboles ! Le rejet de la capitale absorbe le rejet de l'élite souvent arrogante qui y habite et y décide... Ceux qui président aux destinées de nos grandes villes et métropoles devraient eux aussi apprendre à se méfier de ce sentiment qui ne manquera pas de les toucher par ricochet. La France urbaine n'est pas populaire, et n'est pas prête de l'être...

Le troisième défaut est celui du langage... Il ne peut pas être compris comme étant sincère. On ne peut pas dire qu'on a entendu et ne rien faire ou simplement différer et reporter ; si la première affirmation est juste, la seconde devient incompréhensible pour le peuple. “Soit tu as entendu et tu agis en conséquence, un peu ou beaucoup ; soit tu ne bouges pas d'un iota et dans ce cas, cela montre que tu n'as pas entendu !“ Ce n'est pas l'un sans l'autre, c'est, justement et pour une fois, en même temps ! Le langage trahit l'homme et dessert le Président ; le “qu'ils viennent me chercher !“ n'est pas un langage compréhensible car il ne va pas avec l'habit. Les Français ont besoin de concordance et de cohérence, même sur ce plan, sans quoi, il n'y a plus de crédit et la parole est ipso facto dévaluée.

Le quatrième faute, aussi grave que les autres sans doute, est celle d'une absence totale de gestion réfléchie de l'image. Sans faire appel à l'Ancien régime, et à la théorie des deux corps du roi, avec un corps charnel et un corps symbolique, et qu'incarnait à la perfection le Général de Gaulle, les images les plus marquantes de Macron dégradent non l'homme qu'il a le droit d'être, mais la figure du Président qu'il devrait être ! Les exemples deviennent hélas trop nombreux. Mais le Président devrait savoir qu'il incarne tout le temps la République et qu'il ne peut en galvauder la représentation.

Cet orgueil, celui du succès rapide et de l'intelligence supérieure mal guidés, rend sourd et aveugle. Par chance pour Macron, la Constitution de la Vème République protège le chef de l'Etat. Mais quand à ce péché grave s'ajoutent autant de défauts ou de fautes, pourtant faciles à corriger ou à éliminer, c'est la paralysie qui guette et qui menace. Par sa seule erreur, il perd chaque jour un peu plus de crédibilité. En France, mais aussi à l'extérieur et notamment parmi nos partenaires européens qui ne supportent plus depuis longtemps ses leçons et son arrogance. Or, notre pays ne peut pas se le permettre tant sa situation économique, financière et internationale est mauvaise.

S'il ne faut pas bousculer les échéances, il faut en tirer les leçons et changer de cap ; gérer, dans un premier temps, pour remettre le pays debout, innover et avancer ensuite sans oublier personne sur le bord de la route. Expliquer aux Français les vertus de la liberté et du travail, la nécessaire réforme de l'Etat, le retour aux vraies valeurs, dont l'estime de soi et le partage, avec le souci de rendre l'impôt à nouveau supportable et admis parce que compris. Trop de taxes et d'impôts tuent les taxes et les impôts, d'autant plus radicalement qu'ils ne sont pas clairement délimités et affectés là où ils doivent l'être ; la fiscalité écologique qui sert à combler la dette, les Français n'en ont pas été dupes un seul instant. C'est ce type de tromperie, où on les prend pour des ignorants/payants, qu'ils rejettent. Il faut donc changer de méthode et même les paramètres.

Plus que des partis traditionnels et paralysés, qu'il ne faut pas écarter, c’est d’hommes et de femmes neufs, d’entrepreneurs et de créateurs, c’est de la société civile, de mouvements ou de nouveaux partis comme Objectif France, que doit venir la réponse. Le Président de la République s’est de lui-même disqualifié, pendant un moment encore, pour montrer le chemin ; c’est donc à eux de prendre le relais et de le faire ! Que voilà un joli mot, un beau verbe puissant, qu’il convient de remettre en avant après l’avoir mis à neuf, et replacé entre de bonnes mains !

Jean-Marie Belin
Membre du Comité Exécutif d'Objectif France