Programme

Enseignement supérieur

Les propositions d'Objectif France


Notre enseignement supérieur et notre recherche sont des atouts déterminants pour la performance et le rayonnement de notre pays. L’Etat doit accompagner la pluralité de ses acteurs pour qu’ils offrent à la Nation ce qu’ils ont de meilleur. Les choix stratégiques relèvent d’abord de ces derniers, selon un principe de subsidiarité. Il faut affirmer la culture de responsabilité, inhérente à la logique d’autonomie. Ce sont les projets développés sur différents sites qui conduisent à des rapprochements éventuels et souhaitables entre les différents acteurs, et non l’inverse comme a tenté de l’imposer le ministère depuis 2012. L’avenir verra progresser l’autonomie en l’amplifiant, conformément au projet initial de 2007. Le temps des structures est derrière nous. Le temps des hommes et des femmes est lui, résolument, devant nous. L’étudiant, l’enseignant-chercheur et le chercheur doivent être placés au cœur de ce projet qui vise à faire de la France la première puissance européenne d’ici à dix ans en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

L’enseignement supérieur et la recherche française fonctionnent aujourd’hui comme un système doublement dual, qui camoufle des insuffisances criantes derrières des réussites remarquables pour plusieurs raisons : - d’une part, une dualité d’un enseignement supérieur qui offre des formations d’excellence à travers les Grandes Écoles, les IUT et de nombreux masters d’université, mais laisse de nombreux étudiants sans diplôme, ou avec des diplômes aux débouchés faibles ;
- d’autre part, une dualité de la recherche qui, tout en continuant à fournir des médailles Fields et prix Nobel, marque le pas en termes de publications, brevets, et par rapport à la part de PIB dédiée, paupérisant les laboratoires comme les chercheurs dès le début de leur carrière, au risque de départs massifs à l’étranger et d’un déclassement de notre pays jadis si innovant.

Ce système échoue également à tenir la promesse de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Pire, il voit s’accentuer la reproduction sociale, en réduisant l’accès des enfants issus des classes populaires aux Grandes Écoles. La France est ainsi dans une situation paradoxale : c’est le pays de l’OCDE où il y a le plus de redistribution des ressources entre ceux qui ont les revenus les plus élevés et ceux qui ont les revenus les plus faibles et le pays où il y a le moins de mobilité sociale entre les générations.

L’enseignement supérieur et la recherche prospèrent ainsi dans une triple impasse, caractéristique de nos politiques publiques :

- un excès de centralisation qui étouffe les initiatives, assèche les passerelles, déresponsabilise les établissements, les enseignants, les chercheurs et les étudiants ;
- un cloisonnement entre l’enseignement, la recherche publique et l’entreprise, qui ne se parlent pas ou pas assez, malgré les efforts de beaucoup d’acteurs, et où les ressources privées manquent autant que les ressources publiques, les pays les plus dynamiques sur le temps long (États-Unis, Corée du Sud, Allemagne, etc.) dépensant bien plus que la France en matière de recherche (entre 3 % et 4,5 % du PIB contre 2,2 %) ;
- un égalitarisme de façade qui, au nom d’un accès de tous à l’université, envoie des milliers de jeunes dans des voies de garage, facteur de ressentiment.

Notre pays continue pourtant de rayonner dans les domaines où le génie français s'est toujours distingué : la littérature, l’économie, les mathématiques, les sciences physiques ou encore les sciences de l’ingénierie. La France figure ainsi parmi les pays qui dispose du plus grand nombre de prix Nobel. Elle est le quatrième récipiendaire avec pas moins de 70 lauréats parmi lesquels des femmes et des hommes d’exception allant d'André Gide à Jean Tirole, de Louis de Broglie à Marie Curie.

La tendance à l’obtention de prix Nobel ces 40 dernières années est plutôt stable, avec en moyenne un prix obtenu tous les deux/trois ans. Sur une échelle de temps plus longue encore, c’est-à-dire avant 1980, l’obtention des prix Nobel s’est faite sur le même rythme.

Un autre classement, celui de l’Academic Ranking of World Universities, plus régulièrement dénommé classement de Shangaï, met en évidence que la France conserve la troisième position mondiale et comprend 30 établissements faisant partie de ce classement. Toutefois, même les établissements français de renom figurent loin derrière les facultés américaines telles que Harvard, Stanford ou encore le MIT.

Dans ce contexte, le rôle de notre Etat est d’accompagner cet enseignement supérieur avec ses composantes variées, la médecine, les sciences et techniques, les lettres, etc., et ses acteurs afin qu’ils continuent de briller et d’apporter ce qu’ils ont de meilleur au pays.

Pourtant, si la France et son système d’enseignement supérieur continuent de disposer d’atouts, des faiblesses structurelles sont à relever. Un nombre croissant d’étudiants entre dans le supérieur sans arriver à accéder à la fin du premier cycle universitaire, soit réussir la Licence.

Dans notre époque où le taux de bachelier est très nettement plus élevé que par le passé, les exigences et compétences censées être maîtrisées à l’issue du secondaire ne le sont plus totalement. Cela conduit à la dégradation de l’enseignement supérieur : la baisse du niveau engendre une hausse du taux d’échec lors des premières années post-baccalauréat.

Par ailleurs, une pression s’accentue année après année dans des filières où le nombre de débouchés est limité comme en droit, en psychologie, en philosophie, etc., et ce, sans aucune sélection à l’entrée du premier cycle universitaire. Il en résulte un décalage criant entre le nombre d’étudiants qui s’engagent dans ces cycles et les besoins du marché du travail, alors même qu’on manque d’ingénieurs, de techniciens supérieurs, etc.

La démocratisation de l’enseignement supérieur, dont les motivations sont certes louables, a ainsi conduit à mettre en échec de nombreux étudiants :

- près de 50 % d’entre eux ne passent pas en deuxième année de licence (L2) ;
- moins de 30 % obtiennent la licence en trois ans, premier grade de l’enseignement supérieur dans le cadre du parcours Licence, Master, Doctorat (LMD) et, selon l’Institut Montaigne, un étudiant sur cinq quitte l’enseignement supérieur sans en être diplômé, soit 75 000 jeunes par an. Même après 4 ans, le taux de réussite des étudiants en licence reste faible avec au mieux 44 % en sciences politiques et en droit.

Les choix des étudiants sont la plupart du temps subis et non choisis : subis car régulièrement l’unique filière d'acceptation est la voie universitaire après avoir essuyé des échecs à l’issue de sélections pour d’autres filières. Ainsi, cela fait souvent suite à une mauvaise orientation, une difficulté à s’adapter aux exigences du supérieur et donc à un contexte différent du lycée. De façon plus globale, on dénombre selon les derniers chiffres détaillées disponibles :

- 835 799 étudiants en licence ;
- 419 794 en master ;
- 53 914 en doctorats.

Le choix des filières ne se fait pas en connaissance de cause et d’effets : pas de vision claire de débouchés, pas de valorisation des voies plus techniques (et de leurs bons résultats). Les effectifs par filière sont donc souvent déconnectés des débouchés. Parmi les étudiants en licence (terme regroupant les PACES, les IUT, les licences générales et professionnelles), on dénombre ainsi :

- 126 091 en droit ;
- 122 460 en économie et gestion ;
- 330 151 en arts, langues, lettres et sciences humaines sociales (SHS) ;
- 173 525 en sciences ;
- 53 572 en STAPS (sport).

Une première anomalie apparaît : le domaine Arts, Langues, Lettres et SHS regroupe le plus d’étudiants comparativement aux autres sections. Il représente près du double des effectifs des sciences. Le nombre d’étudiants en filières de type Droit et Economie est aussi élevé puisqu’il représente plus de 70 % de celui de la filière Sciences (Chimie, Mécanique, Physique, Mathématiques, Electronique, etc.). Le passage de la Licence au Master présente une nette diminution des effectifs toute filière confondue. Ainsi, les étudiants en Master représentent généralement 50 % à 60 % des étudiants inscrits en Licence.

Quant à la réforme de la gouvernance, elle reste à mi-chemin. Le regroupement d’universités, notamment dans le cadre de la constitution de pôles de compétitivité, offre un bilan assez mitigé. Dans certains cas une réussite, mais dans la plupart des cas sans grande conséquence, voire contre-productif : bureaucratie et frein à la mise en concurrence. Des enseignants sont pris dans un statut qui ne permet pas de reconnaître suffisamment le mérite, et les oblige à rentrer dans un schéma rigide (heures d’enseignements/heures de recherche selon le niveau) avec des rémunérations insuffisantes.

Par ailleurs, la majorité des fonds pour alimenter les investissements dans les établissements publics est publique et les diplômés du supérieur (ingénieurs notamment), contrairement à ceux d’autres pays, participent beaucoup moins au financement des universités où ils ont été diplômés, sous la forme de mécénat d’entreprises ou de dons notamment.

La recherche française est, quant à elle, paupérisée. Comme évoqué supra, le niveau global de dépenses de recherche est inférieur à beaucoup d’autres pays et, selon une étude de la Commission européenne de 2013, le montant moyen des salaires des scientifiques français s’élevait à 63 % de la moyenne des salaires dans les pays de l’OCDE (en parité de pouvoir d’achat). L’étude d’impact réalisée pour la prochaine loi de programmation de la recherche (LPR) rappelle aussi qu’en trente-cinq ans la situation n’a cessé de se dégrader : en 1985, le salaire brut d’un maître de conférences en début de carrière représentait 2,25 smic, contre 1,53 smic en 2018.

Un autre problème est celui des dérives sectaires ou extrémistes, dans les filières de sciences sociales notamment. Un certain nombre d’établissements sont ainsi gangrenés par des idéologies, parfois contraires à l’humanisme occidental et aux valeurs cardinales de notre République. Au nom de la défense de populations « opprimées », elles entendent assigner des personnes à des rôles en fonction de leur sexe, de leur couleur de peau, de leur origine, etc. Ces idéologies ont un certain écho auprès des étudiants qui constatent que les promesses de leurs études supérieures ne seront pas tenues, et ont donc des raisons objectives de se sentir frustrés.

L’enseignement supérieur est ainsi à la confluence de multiples enjeux auxquels il convient de répondre par deux leviers :

mettre l’enseignement supérieur au service du redressement de la France ; permettre aux étudiants de s’orienter en connaissance de cause, et de se réorienter en fonction de leurs appétences et aisances dans les matières rencontrées ainsi que des vocations suscitées dans certaines disciplines avec aussi une plus grande porosité avec le monde de l’entreprise.

Pour cela, il faut :

- s’assurer du niveau des étudiants arrivant dans le supérieur et de l’adéquation de leur cursus dans le secondaire avec la filière choisie ;
développer les mécanismes d’accompagnement, de tutorat ;
- revoir le nombre de diplômes proposés par les différentes filières des universités et vérifier régulièrement leur adéquation avec le milieu professionnel, et plus particulièrement le milieu industriel, tout en gardant une marge de liberté ;
- faciliter la mobilité des étudiants (logements) ;
- dynamiser et diversifier le financement des universités ;
- lutter contre les dérives sectaires, tout particulièrement dans les sciences humaines et sociales.

Quelles mesures concrètes doivent être proposées afin de « corriger le tir » ? Comment pallier cette baisse de niveau tout en continuant à porter un modèle éducatif universel qui repose sur l'égalité d’accès et la gratuité du système universitaire ? Ce sont quelques-unes des questions essentielles auxquelles ce programme a pour but de répondre.


Synthèse en 16 points clés :


Nos propositions

1 - Augmenter de 500 euros par mois la rémunération de l'ensemble des personnels enseignants de l'enseignement supérieur public, des enseignants-chercheurs aux doctorants avec mission d'enseignement, soit 90 000 personnes. Cette hausse de rémunération sera portée à 1 000 euros par mois pour les personnels des catégories Sciences-Techniques et Santé, domaines stratégiques où la fuite des cerveaux est particulièrement forte et due en grande partie à des rémunérations insuffisantes ne serait-ce qu'au regard de ce qui se fait à l'étranger. Le coût total de cette revalorisation historique sera de l'ordre de 816 millions d'euros annuels. Cette mesure qui permettra de rémunérer les personnels enseignants à la hauteur de leurs qualifications et de renforcer l'attractivité du métier (notamment dans la recherche) rapprochera également la France de pays comparables comme l'Allemagne.

2 - Augmenter de 10 milliards d'euros d'ici 2027 les moyens de l'ensemble de la mission enseignement supérieur, recherche et innovation. Cette hausse massive du budget, qui incluera (à hauteur de 0,8 milliard) l'augmentation de la rémunération des personnels enseignants et chercheurs, sera essentiellement consacrée à la recherche dans les secteurs d'avenir et à l'innovation. Cette somme couvrira également des partenariats publics privés et des investissements dans nos centres de recherche. Il s'agit là d'un premier effort dans le cadre d'une augmentation des dépenses globales de recherche et développement de la France à 3% du PIB (contre 2,2% en 2022).

3 - Instaurer un nouveau mécanisme de choix et de financement de nature incitative à l’image du compte personnel de formation (CPF) pour la formation continue. L’étudiant sera crédité d’une somme pour financer son cursus dans le supérieur. En fonction de sa filière et de ses options dans le secondaire, des places offertes au regard des besoins des différents secteurs d’activité et des éventuelles critères académiques de sélection, l’étudiant choisira un établissement qui recevra les ressources en conséquence.

4 - Réformer Parcours Sup, en concertation avec les parties prenantes (étudiants et établissements), afin de garantir une affectation rapide et efficace des futurs étudiants.

5 - Instaurer un mécanisme de financement et de rémunération attractif pour le troisième cycle-doctorat via le soutien de la puissance publique (matériel et financier) et du secteur privé (mécénat).

6 - Mettre en place une plateforme permettant de faire le lien entre recherches finalisées (prototypes) et exploitation par le monde industriel.

7 - Conditionner, via France compétences, le nombre de diplômes de Licence & Master des différentes filières aux besoins du marché du travail sous la forme de plafonds d’étudiants dans toutes les filières.

8 - Développer encore davantage les formations universitaires par alternance, ce qui permet de co-construire avec les employeurs des parcours en phase avec les besoins du marché du travail et aux étudiants d’avoir un financement de leurs études.

9 - Améliorer les choix d’orientation, notamment grâce à une transparence sur les débouchés et les taux de réussite via des statistiques publiques accessibles à tous (open data).

10 - Pour les étudiants en difficulté, proposer une année de rattrapage/préparatoire entre la fin du secondaire et la première année du supérieur.

11 - Instaurer pour toutes les filières un minimum de 6 ECTS (environ 150h) concernant le monde de l’entreprise et l’industrie à travers différents cours : économie, gestion, etc.

12 - Faciliter pour les étudiants l’accès à l’hébergement à travers un chèque logement calculé en fonction du marché local (cf. projet Logement et Politique de la Ville).

13 - Renforcer l’autonomie des universités : des modes de financement à la sélection des étudiants en passant par la gestion des enseignants-chercheurs (professeurs des universités et maîtres de conférences) et de leur rémunération, ce qui signifie la fin du monopole du Conseil national des universités dans la gestion de la carrière de ces derniers. Les regroupements d’universités se feront de manière autonome, et devront être justifiés économiquement.

14 - Définir un nouveau cadre juridique pour les établissements de l’enseignement supérieur : ces derniers devront être à caractère industriel et commercial (EPIC) afin de s’ouvrir au monde économique et leur donner plus d’autonomie de gestion.

15 - Améliorer la lisibilité des performances des établissements du supérieur en systématisant la publication des rapports réguliers des corps de contrôle (Cour des comptes, IGAENR, etc.), ce qui permettrait un calcul objectivé des dotations, notamment en matière de recherche, selon les efforts réalisés et les résultats obtenus.

16 - Systématiser des contrats d’objectifs et de performance (COP) tripartites (ministère, établissement et comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles ou CREFOP) et standardiser les systèmes d’information de pilotage et d’analyse financière afin de permettre aux directions des organismes comme au ministre de mieux contrôler la gestion.


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